Le gouvernement révolutionnaire népalais confronté au risque de la sécession

Publié le par Comite de Solidarité Franco-Népalais

Mercredi dernier le ministre de la défense Népal, Sarat Singh Bhandari, a fait sensation, 15 jours seulement après son entrée au gouvernement, en déclarant : "Si les 22 districts du Téraï décident de faire sécession, aucune loi au Népal ne pourra l'empêcher." Le vice-président maoïste Mohan Baidhya 'Kiran' (dont la faction est en désaccord avec la stratégie actuelle du premier ministre Baburam Bhattarai, issu du même parti que lui) et le secrétaire général Ram Bahadur Thapa 'Badal' du PCUN(maoïste) ont délivré un communiqué de presse condamnant la déclaration et lancé un appel à manifester. Ils dénoncent la volonté de la bourgeoisie indienne de "sikkimiser" le Terai (c'est à dire l'annexer à l'Etat indien frontalier du sikkim).

 

Le Teraï est la plaine au climat tropical qui borde le Népal au sud, le long de la frontière indienne. Sa population colonisée par le royaume du Népal au 18ème siècle, fut alliée des Anglais (de la Compagnie des Indes orientales) au siècle suivant pour combattre le shah népalais. Les partisans de la sécession du Terai estiment que les structures locales ont été démantelées par le gouvernement de Katmandou pour permettre la confiscation de ses ressources : le Terai fournissant la majorité des terres arables, de la petite industrie népalaise et des ressources gazières sans que cela profite à ses habitants. Les habitants du Terai (qui représente la moitié de la population népalaise)  sont historiquement liés à l'Inde (la zone a servi de refuge aux Hindous à l'époque de l'empire musulman des Moghols) et leurs organisations sont souvent liées à la mouvance nationaliste hindoue .En janvier-février 2007 peu de temps après la chute de la monarchie népalaise, des manifestations violentes avaient éclaté dans le Terai à l'instigation d'un petit groupe le Forum des droits du peuple madhesi/Madhesi People's Right Forum (MPR) et avec le soutien de cadres monarchistes, et le couvre feu avait dû être instauré dans de nombreuses villes. La révolte avait été maîtrisée au terme d'un accord avec le MPRF incluant la reconnaissance des droits culturels et une politique de non-discrimination dans le recrutement aux emplois publics. Le ministre Bandhari est responsable d'une alliance (du Terai, le Front démocratique uni madheshi - United Madhesi Democratic Front) qui avait provoqué une grève générale de seize jours en 2008 et dont le MPRF a fait partie jusqu'en septembre 2010.

 

Les maoïstes népalais ont été favorables depuis longtemps à la fédéralisation du Népal, projet auquel se sont aussi ralliés les autres partis politiques. Mais le modèle ne sera viable qu'en l'absence d'ingérence extérieure, notamment de l'Inde (qui s'est engagée à ne pas soutenir les sécessionnistes).

 

Or cette semaine on apprenait que le député américain républicain néo-conservateur (et chantre enthousiaste de la guerre en Irak dès 2001) Steve Chabot en visite à Katmandou avait une conversation avec le premier ministre népalais ainsi qu'avec le chef d'état major de l'armée. Chabot est membre de la commission des affaires étrangères de la chambre des représentants et y préside le sous-comité Proche Orient-Asie du Sud.  Le but de sa visite n'est pas précisé par les médias, mais le profil du personnage peut faire craindre un risque d'ingérence directe. La presse népalaise annonce aussi que USAID (agence qui finance le soft power étatsunien à l'étranger) a fait savoir qu'elle donnera 65 millions de dollars supplémentaires au Népal pour "renforcer les institutions démocratiques du pays", promouvoir l'éducation des jeunes, mener des politiques de santé publique et améliorer la productivité de l'économie népalaise. La liste des organismes bénéficiaires de cette aide n'est pas publique. La sécession madhesi (du Terai) est une des cartes entre les mains des Occidentaux pour faire pression sur les révolutionnaires népalais.

 

FD

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